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Personne n’a vu « Madame » depuis quatre jours. Madame a 77 ans, alors l’histoire pourrait être celle d’une disparition inquiétante comme cela arrive à cet âge. Mais Madame ne s’est pas perdue, elle a été enlevée. La petite ville de Trévoux (Ain) est sidérée. Au petit matin du 21 juin, quatre gaillards encagoulés ont débarqué armes à la main dans le lotissement tranquille de cette bourgade de 7 000 habitants et ont enfoncé la porte d’une petite maison. Madame était bien là, comme ils l’avaient prévu. La voilà embarquée dans le coffre d’une BMW. Les investigations menées par les gendarmes du département passent rapidement entre les mains d’autres enquêteurs, plus destinés à traiter la criminalité organisée que les disparitions de personnes âgées : ceux de la juridiction interrégionale spécialisée de Lille.
Car, à travers la septuagénaire au casier judiciaire vierge, c’est l’un de ses fils, moins immaculé, qui aurait été visé. Madame sera retrouvée quatre jours plus tard, choquée et affaiblie. Et la petite ville de Trévoux se retrouve placée au cœur d’un dossier tentaculaire de trafic de stupéfiants international – sensible au point de rendre impossible jusqu’à l’utilisation de l’initiale du prénom de la victime – et devient malgré elle le symbole d’un phénomène en plein essor sur le territoire français : le recours aux enlèvements et séquestrations, parfois associés à des actes de barbarie, pour régler des différends commerciaux liés au trafic de drogue.
Un homme kidnappé sur le parking d’un supermarché à Castelmoron-sur-Lot, dans le Lot-et-Garonne, laissé pour mort en mars dans la forêt de Migelane, en Gironde ; un autre, disparu en mars 2023 dans le Doubs, dont le corps est découvert encore en flammes par une randonneuse dans la forêt communale de Thise… A ces scènes croisées en quelques lignes dans les pages des faits divers des quotidiens régionaux, la même réponse laconique est apportée par les enquêteurs interrogés : « Règlement de comptes sur fond de trafic de stupéfiants. »
Une réapparition du kidnapping dans la boîte à outils des organisations criminelles, avec une nouveauté depuis l’âge d’or des saucissonneurs qui, il y a une quarantaine d’années, ciblaient des personnalités fortunées pour s’assurer un retour sur investissement juteux : la sous-traitance à des équipes très jeunes, compensant leur inexpérience par une violence débridée. « Ces dernières années, le phénomène a évolué d’une approche visant à récupérer une rançon vers une sorte de méthode de recouvrement, en particulier dans les trafics de stupéfiants, où le “narco” s’occupe de moins en moins souvent des basses œuvres, préférant déléguer soit à des équipes spécialisées dans les “opérations de force”, soit à de jeunes recrues », souligne Yann Sourisseau, chef de l’Office central de lutte contre la criminalité organisée.
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